Le temps.
Paris, bien après ma naissance.
Plus tard Leningrad, peu avant sa mort. La place blanche est pleine, derrière moi marche le troupeau dont je veux m'extraire. Je ne peux que m'éloigner. Je ne regarde pas les bâtiments, je regarde les pierres de chacun des bâtiments, une par une, comme si chaque pierre pouvait me rendre son témoignage à elle, bien plus intéressant que ce que les bâtiments dans leur ensemble peuvent m'apprendre. Cela se passe à Leningrad, dans la banlieue de Kronstadt, là où l'on ne fait pas dans le détail.
Station Saint-Maur, trois mois auparavant. Les murs ont trouvé de quoi tromper l'ennui, tant et si bien que les panneaux marchands plient bagages. Ils cèdent naturellement leur place à l'inutile revendiqué, et les visages demeurent davantage surpris que ravis. Et ce matin ne saurait ressembler à aucun autre. A quoi cela tient-il ? A la peinture et à l'envie de quelques poètes. Ils seront rapidement taxés de folie.
Vingt-cinq ans plus tard, quelque part entre Plaintel et Saint-Julien, Côtes d'Armor. Une route sereine s'étend. Humbles et charmants paysages - comme ils sont grands, ici, alors... Ailleurs demain... Mon autobus avance, il est presque vide. Comme cette campagne qui se répète dans le soleil couchant. Comme ce refrain qui ne tient pas à grand-chose, celui d'une chanson qui date et qui me revient.
"Ah look at all the lonely people..."
Qui se répète, comme la campagne. Je vais retrouver Saint-Brieuc, et sa fontaine sur la place de la gare, celle qui est de l'autre coté de la place par rapport à la gare. Un fou m'a chuchoté un jour que si un ancien volcan se réveille, c'est par cette fontaine qu'il rejaillira. Je m'en vais à Saint-Brieuc apprendre la patience. Guetter pour les siècles prochains près de la fontaine de la place de la gare, celle qui est de l'autre coté de l'amour par rapport à mon cœur.
"Ah look at all the lonely people..."
Rien ne se répète mieux que la campagne. Peut-être ce vieux refrain.
Plus tard à Paris. Cela fait huit jour que j'ai revu ce regard. Je ne sais plus si cela fait un jour ou un mois. Huit jours plus longs que quinze ans.
Tu m'entends ? Je t'attends ?
Plus tôt, dans un bar célèbre de La Havane. Je n'entends rien. Je ne comprends rien. Et c'est bien plus tard que j'apprendrai que mon ouïe est nyctalope et ne s’accommode que très mal des soleils insulaires et endoctrinés. Je regarde ma mère sourire au moindre travailleur, à la moindre travailleuse que nous croisons. Dans sa tête, elle fait surement d'eux autant d'individus emportés par un destin qui le dépasse, vivant et donnant vie - presque malgré eux - au communisme. J'aime tant ma mère, mais je suis dans ce bar de La Havane et je n'entends rien.
Je ne retournerai jamais à La Havane. Je préfère encore que l'on me coupe une oreille.
Hier, boulevard Magenta près d'un néon qui tremble. Je vais rentrer, je crois qu'il est temps.
Paris, bien avant ma mort.
Prévisions.
Paris, bien après ma naissance.
Plus tard Leningrad, peu avant sa mort. La place blanche est pleine, derrière moi marche le troupeau dont je veux m'extraire. Je ne peux que m'éloigner. Je ne regarde pas les bâtiments, je regarde les pierres de chacun des bâtiments, une par une, comme si chaque pierre pouvait me rendre son témoignage à elle, bien plus intéressant que ce que les bâtiments dans leur ensemble peuvent m'apprendre. Cela se passe à Leningrad, dans la banlieue de Kronstadt, là où l'on ne fait pas dans le détail.
Station Saint-Maur, trois mois auparavant. Les murs ont trouvé de quoi tromper l'ennui, tant et si bien que les panneaux marchands plient bagages. Ils cèdent naturellement leur place à l'inutile revendiqué, et les visages demeurent davantage surpris que ravis. Et ce matin ne saurait ressembler à aucun autre. A quoi cela tient-il ? A la peinture et à l'envie de quelques poètes. Ils seront rapidement taxés de folie.
Vingt-cinq ans plus tard, quelque part entre Plaintel et Saint-Julien, Côtes d'Armor. Une route sereine s'étend. Humbles et charmants paysages - comme ils sont grands, ici, alors... Ailleurs demain... Mon autobus avance, il est presque vide. Comme cette campagne qui se répète dans le soleil couchant. Comme ce refrain qui ne tient pas à grand-chose, celui d'une chanson qui date et qui me revient.
"Ah look at all the lonely people..."
Qui se répète, comme la campagne. Je vais retrouver Saint-Brieuc, et sa fontaine sur la place de la gare, celle qui est de l'autre coté de la place par rapport à la gare. Un fou m'a chuchoté un jour que si un ancien volcan se réveille, c'est par cette fontaine qu'il rejaillira. Je m'en vais à Saint-Brieuc apprendre la patience. Guetter pour les siècles prochains près de la fontaine de la place de la gare, celle qui est de l'autre coté de l'amour par rapport à mon cœur.
"Ah look at all the lonely people..."
Rien ne se répète mieux que la campagne. Peut-être ce vieux refrain.
Plus tard à Paris. Cela fait huit jour que j'ai revu ce regard. Je ne sais plus si cela fait un jour ou un mois. Huit jours plus longs que quinze ans.
Tu m'entends ? Je t'attends ?
Plus tôt, dans un bar célèbre de La Havane. Je n'entends rien. Je ne comprends rien. Et c'est bien plus tard que j'apprendrai que mon ouïe est nyctalope et ne s’accommode que très mal des soleils insulaires et endoctrinés. Je regarde ma mère sourire au moindre travailleur, à la moindre travailleuse que nous croisons. Dans sa tête, elle fait surement d'eux autant d'individus emportés par un destin qui le dépasse, vivant et donnant vie - presque malgré eux - au communisme. J'aime tant ma mère, mais je suis dans ce bar de La Havane et je n'entends rien.
Je ne retournerai jamais à La Havane. Je préfère encore que l'on me coupe une oreille.
Hier, boulevard Magenta près d'un néon qui tremble. Je vais rentrer, je crois qu'il est temps.
Paris, bien avant ma mort.
Prévisions.