[Hors-Série] Dernier avis avant impulsion N°2

Amis, Amies,

Il nous a fallu reprendre un peu chemins pour retrouver goût aux rues. Point d'absence à vous, un éloignement. Nécessaire, afin de rendre à Miss Night ses allures de jeune fille. Savez-vous comme elle est coquette ? Non ? Regardez donc un ciel étoilé au bord de très concret, un soir d'hiver se prenant pour printemps, là où vous êtes...

Pardon ! Là où vous êtes ; Là où l'exponentiel n'a pas encore donné aux étoiles ce même teint de fuel que les bobines à ennui, vous savez, celles des Saint-Lazare où l'on marche vite, où l'on marche très vite, où l'on marche si vite qu'on pourrait se bousculer, et l'on se bouscule. Les sens ne sont plus utiles, l'automatique règle tout. Et ils deviennent automates, des machineries gavées au fuel et au banal...

Alors que les étoiles...

Pardon ! Là où la lumière n'a plus de sens.

Ah ! Les étoiles. Les étoiles, elles...

*

Il conviendrait de revenir un instant sur l'incident malheureux dont nous fumes témoins dans les studios lors de la dernière Nuit Noire. Nous nous faisions une joie de recevoir Pharréell Williams, star du Marketing Salope, qui n'aurait pas manqué cette occasion sans dieu ni maître de dénoncer la dérive mercantile toujours plus accrue des activités humaines, et qui n'épargne pas ce qu'il n'est plus convenu - convenable - d'appeler création musicale, mais production industrielle à connotation mélodique.

De la même manière que le Printemps des Poètes 
est une sombre imposture !

Guy-Ernest Debord ayant établi, après de longs moments de délibération avec lui-même, le principe de nous rejoindre, nous nous étions mis d'accord sur le fait qu'il se teindrait à l'écart de la vedette, précaution élémentaire dans la mesure où Guy-Ernest Debord estimait déjà en 1967, dans La Société du Spectacle, que "la condition vedette est la spécialisation de vécu apparent, l'objet de l'identification à la vie apparente sans profondeur, qui doit compenser l'émiettement des spécialisations productives effectivement vécues".

Malheureusement, une effective envie, irrésistible, de s'adonner à l'illicite en volutes précipita les choses. Dans cet espace réduit où l'on peut fumer, Pharréell Williams et Guy-Ernest Debord, à présent, se faisait face. l'inéluctable ! Passe encore que Pharréell félicite Guy-Ernest d'avoir fait l'objet d'une exposition à l'immonde Bibliothèque François Mitterrand. Mais lorsque le chanteur à chapeau énigmatique annonça qu'il avait l'intention de réciter Lautréamont...

"Au clair de la lune, près de la mer, dans les endroits isolés de la campagne, l'on voit, plongé dans d'amères réflexions, toutes les choses revêtir des formes jaunes, indécises, fantastiques. L'ombre des arbres, tantôt vite, tantôt lentement, court, vient, revient, par diverses formes, en s'aplatissant, en se collant contre la terre. Dans le temps, lorsque j'étais emporté sur les ailes de la jeunesse, cela me faisait rêver, me paraissait étrange; maintenant, j'y suis habitué. Le vent gémit à travers les feuilles ses notes langoureuses, et le hibou chante sa grave complainte, qui fait dresser les cheveux à ceux qui l'entendent. Alors, les chiens, rendus furieux, brisent leurs chaînes, s'échappent des fermes lointaines; ils courent dans la campagne, çà et là, en proie à la folie."

Guy-Ernest Debord ne put garder son calme, et décrocha un direct du droit qui sonna la vedette. Debord, debout devant sa victime, ira même jusqu'à plagier Henri III à propos du Duc de Guise, "mort, il est plus musical que vivant". Oui, cette touche d'ironie un brin méprisante nous désola. Guy-Ernest Debord lui-même regrettera ce jeu de mot déplacé.

Que pouvions-nous faire ? Rien. Car, comme pour l'ensemble de nos actes, l'envie est un moteur essentiel. Et c'est donc Guy-Ernest Debord qui a interprété "Happy", pour la plus grande joie de nos auditeurs et auditrices alors présents et présentes.

*

L'idée que la Nuit nous fait de l'anarchie entend la culture du désordre comme condition sine qua none à l'acceptation de l'ordre. C'est cette seule et unique dialectique qui nous permettra bientôt de rire de tous les pouvoirs.

Et puisque leurs rues permettent encore quelques subtilités en croissant de lune...
"Nous arrivons avec nos accessoires pour faire le ménage dans la tête des gens"
Un jour nous sépare encore d'une nouvelle rencontre hertzienne possible. Dès les derniers tenants de l'horizontalité nocturne revenus à leur seul et unique fondamental, nous resterons quelques-uns, quelques-unes. Et si vous l'entendez ainsi, vous pouvez nous rejoindre jusqu'à matin. L'inédit s'achèvera aussitôt l'instant passé. Une étoile coquine pourrait se mettre à clignoter. Ne prenez pas peur, car si la Nuit donne le rythme, vous le suivrez aussi. Et nous serons, d'un côté ou de l'autre, présents, présentes.

Surveillez la Nuit. A bientôt.