Factory - suite

Cet été (toujours), Max et moi vous proposions une émission consacrée au label Factory Records, à l'occasion des quarante ans de cette maison d'art fondée à Manchester, sous l'impulsion de l'emblématique Tony Wilson. Sorti du net et de quelques démarches plus mercantiles qu'autre chose, peu d'initiatives pour célébrer l'an 40 après Factory.

Cet anniversaire a tout de même donné lieu à une exposition qui vient de s'achever, intitulée "Use Hearing Protection" (en référence au slogan mis en exergue par Peter Saville sur la toute première publication de Factory (FAC 1), une affiche pour un concert). Elle était organisée dans une très chic annexe du très chic Chelsea College of Arts, dans le quartier très chic de Millbank, à Londres. Niveau ambiance, on est loin de Manchester. Ah, c'est pas les toilettes de l'Haçienda, hein ? On a dépassé le stade "bo-bo" (entendez "bourgeois bohème"), on est dans le "bo" tout court (entendez "bourgeois"), et plutôt very high level. Max me dirait que le côté dandy de Tony Wilson se serait enorgueilli de cela... Pas sûr.


D'abord, parce que sensible à certains principes établis par les situationnistes, l'idée d'une exposition dans un lieu dédié à l'art aurait pu le rebuter. Non par manque d'ego. Par principe politique. Et que dire du fait qu'elle ait lieu dans un quartier plus que bourgeois ? Cela ne se serait-il pas heurté à un ou deux principes de Wilson ? J'y suis resté un long moment, visite la plus méticuleuse possible. Je n'y ai croisé que trois personnes. Imaginez-vous cela possible si l'expo avait eu lieu à Soho ou Camden ? Allez, peut-être le fait qu'elle soit gratuite aurait pu trouver grâce à ses yeux. Mais c'est une bien maigre compensation. Et la moindre des choses !

Un couloir qui mène à une unique salle d'une petite vingtaine de mètres, le tour est vite fait. Etaient exposés un exemplaire original de chacune des cinquante premières publications de la maison Factory, principalement des disques bien sûr, mais aussi des affiches et divers objets, numérotés au même titre que les disques, de FAC 1 à FAC 50.

Dont le FAC 26, une affiche réalisée par Stephen Horsfall à l'occasion d'un concert au Bataclan...


Ajoutés à cela quelques reliques ou objets rapportés, et deux minuscules enceintes qui diffusent la musique de Factory (quand même)... C'est un peu court. Evidemment, nous sommes dans l'annexe d'une école type "beaux-arts". Il est logique que cette exposition soit avant tout consacrée à la dimension esthétique de la démarche créative du label de Manchester. Et peut-être suis-je arrivé avec un trop gros appétit. Mais vraiment, je suis resté sur ma faim.

Néanmoins, ce qui, à mes yeux, fait le charme indéniable de cet événement, c'est que parmi les objets rapportés, il y a quelques œuvres situationnistes. Mieux : étant exposées juste après l'entrée, dans le couloir qui mène à la salle, elles sont les premiers éléments que l'on voit. Cependant, aucune précision n'est donnée. Certaines sont des détournements que l'on devine faits par quelqu'un chez Factory.










Si des publications situationnistes sont présentées, c'est pour évoquer l'affluence qu'ont exercés les compagnons de Debord et Vaneigem sur Tony Wilson - peut-être aussi pour donner un petit côté intello-subversivo-chic... En 1982, Wilson et Factory ouvrent une salle de concerts à Manchester. Pour lui donner un nom, Wilson va chercher un concept établi par Gilles Ivain, membre de l'Internationale Situationniste, dans un texte intitulé Formulaire pour un urbanisme nouveau, paru dans le Numéro 1 du Bulletin central édité par les sections de l’Internationale situationniste :

"- Et toi oubliée, tes souvenirs ravagés par toutes les consternations de la mappemonde, échouée au Caves Rouges de Pali-Kao, sans musique et sans géographie, ne partant plus pour l’hacienda où les racines pensent à l’enfant et où le vin s’achève en fables de calendrier. Maintenant c’est joué. L’hacienda, tu ne la verras pas. Elle n’existe pas.

Il faut construire l’hacienda. -"

On reparle de tout ça lundi soir.

Nuit Noire "ici, ailleurs, ou autre part" - lundi 28 octobre, 0h30 - Radio Libertaire

D.